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Portrait d’Edgard Bonte, président du directoire d’Auchan Holding et président exécutif d’Auchan Retail
Fort de son action à la tête de Kiabi et de l’appui de l’Association Familiale Mulliez, Edgard Bonte annonce un strict plan d’économies pour redresser à court terme Auchan Retail. Un défi de taille pour ce serial entrepreneur de 45 ans nommé patron du groupe en octobre dernier.
Edgard Bonte n’est pas un adepte de la langue de bois. Les analystes financiers et les journalistes qui assistaient à la présentation des résultats 2018 d’Auchan Holding, début mars à Paris, ont pu le constater. Discret depuis sa nomination en octobre dernier, le nouveau patron du groupe n’a pas mâché ses mots au moment de commenter les chiffres de l’an passé. « Les résultats sont insuffisants » et sont « fortement pénalisés par la performance d’Auchan Retail ». Côté holding, malgré les bonnes performances de la banque Oney et de la foncière Ceetrus, le résultat net a dégringolé de plus d’un milliard, basculant de 509 millions d’euros en 2017 à - 946 millions d’euros l’an passé. S’il s’explique en grande partie « par des dépréciations d’actifs », le chiffre a de quoi frapper les esprits. Tout comme l’évolution des ventes des magasins du groupe. Lesquelles ont régressé de - 2,4 % en comparable à l’échelle mondiale et de - 1,3 % pour la France, où le chiffre d’affaires est dans le rouge depuis des années.
Pour Edgard Bonte, l’enjeu est donc simple : il s’agit de redresser Auchan Retail. « C’est pour cela qu’on m’a choisi », assume le successeur de Régis Degelcke, qui pilote désormais l’activité commerce d’Auchan sans directeur général, Wilhelm Hubner étant passé à la trappe fin 2018. Cinq mois après sa prise de fonction, ce serial entrepreneur, qui a créé sa première entreprise à l’âge de 19 ans, passe à l’action en lançant l’opération « Renaissance ». Ce « plan d’action volontaire conduira à des renoncements et des arbitrages financiers, prévient Edgard Bonte. Toutes les solutions sans exception seront étudiées pour les zones où Auchan Retail est durablement en perte. » Des fermetures de points de vente sont déjà actées en Russie et en Chine. Mais pas en France, où celui qui demeure président de Kiabi, affirme exclure toute fermeture d’hyper et toute réduction d’effectif en 2019. Les investissements, en revanche, seront réduits « de manière drastique » et l’organisation optimisée « pour retrouver efficience et pragmatisme ».
Grâce à ce plan d’austérité, un impact positif « de plusieurs centaines de millions d’euros est attendu dès cette année », annonce le président exécutif d’Auchan Retail, qui peut se prévaloir « du soutien très clair des actionnaires ». Et pour cause ! Gendre de Patrick Mulliez, le frère de Gérard, fondateur d’Auchan, Edgard Bonte est une figure de l’Association Familiale Mulliez (AFM) qui tient les rênes d’une kyrielle d’enseignes, de Décathlon à Saint-Maclou, en passant par Boulanger, Leroy Merlin ou Kiabi. « Le fait d’être de la famille me libère des enjeux de CV, me permet d’être libre de mes actes et de mes prises de position, revendique-t-il. Mais ce qui a surtout séduit l’AFM, c’est mon profil de redresseur d’entreprise et le fait d’avoir fait mes preuves en relançant Kiabi. »
Devenue la première enseigne de prêt-à-porter en France, Kiabi figure d’ailleurs dans le panel des sociétés de la galaxie Mulliez appelées à la rescousse des hypers Auchan dans l’Hexagone. A l’image de Carrefour avec ses corners Darty, le groupe envisage en effet « d’ouvrir 100 % de ses rayons non-al aux meilleurs spécialistes de chaque univers », qu’ils exercent dans les domaines du sport, de l’électroménager, de l’équipement automobile ou encore du textile. Ces concessions devraient être expérimentées dans cinq magasins du Nord et de la région parisienne au second semestre de cette année. Une autre idée d’Edgard Bonte qui travaille en parallèle sur de multiples mesures pour « engager la bataille du sens » en points de vente. Le redresseur veut également soigner sa relance.
Par Jacques Bertin