Production
Gel 2021 : le premier bilan en direct des vignobles
Après le terrible épisode de gel qui a touché le vignoble français la semaine du 5 avril, les professionnels en région tentent de faire un bilan des dégâts. Les premiers chiffres laissent craindre une perte de récolte très importante. Rayon Boissons fait le point.
Tristement historique. Le vignoble français a subi une vague de gel plusieurs nuit de suite en début de ce mois. Le bilan ne pourra se faire que d’ici une quinzaine de jours mais les opérateurs sont pessimistes sur la production 2021 qui sera très certainement lourdement impactée. Avec, bien évidemment, de lourdes conséquences sur la commercialisation.
Le Val de Loire appelle à une régulation des marchés
Dans le Val de Loire, des températures négatives jusqu’à - 7 degrés selon les différents vignobles ont été constatées du 6 au 8 avril. « La mise en route de tous les équipements de protection du vignoble n’a pas suffi à contenir cette vague de froid polaire. déplore InterLoire. Après 2016, 2017 et 2019, la récolte 2021 sera, elle aussi, endommagée. » Pour faire face à l’avenir, Bernard Jacob, Président de la Commission Marchés, Economie et Prospective d’InterLoire insiste, sur l’importance de mettre en œuvre une stratégie collective de régulation des mises en marché. « La pérennité de nos entreprises passera par une gestion optimisée de nos stocks. »
Bordeaux voit les prix augmenter à la propriété
Plus au Sud, aucune AOP bordelaise n’a été épargnée et 100 % du vignoble a subi des dégâts, indique le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux. Le gel a frappé fort à Saint-Emilion, dans l’Entre deux mers et dans le Sud Gironde. L’impact sur la récolte est sévère, de 30 % à 50 % et des propriétés ont été gelées à 100 %. Autre conséquence de cet épisode, une demande à la hausse. « Aujourd’hui, notre stock devient une opportunité, note Philippe Hébard, directeur de la cave de Rauzan. Les négociants s’étaient jusque-là peu couverts. Juste avant le gel, le volume des transactions était reparti à la hausse. Les clients de la coopérative ont d’emblée pris en compte cet épisode de gel. Ils ont renchéri de + 5 % le prix du tonneau. »
Le Sud-Est broie du noir
Dans la vallée du Rhône, Philippe Pellaton, président d’Inter Rhône estime à 30 à 40 % le potentiel de récolte affecté par le gel. Tous les départements sont touchés. Michel Belier, le président du Cellier des Dauphins se désole : « Tout est noir ! Ça ne va pas repartir. Il y a quelques bourgeons verts mais ce n’est rien à côté de l’étendue des dégâts. » Dans le Languedoc, Vincent Trouillas, directeur de la cave coopérative de Saint-Maurice-de-Cazevieille anticipe 50 % et 60 % de pertes. « Ce sont les chardonnays et les grenaches qui sont les plus touchés. Sur les cabernets-sauvignon, on manque de recul car ils n’avaient pas encore démarré et on ignore l’impact que le gel aura sur eux ». Le Conseil interprofessionnel des vins du Languedoc (CIVL) constate que le gel a frappé jusque dans des secteurs habituellement protégés, y compris dans des zones qui n'avaient jamais gelé depuis cinquante ans. « Un gel d'avril peut être compensé par la plante, qui peut refaire des bourgeons pour remplacer ceux que le gel a détruits, précise Jean-Philippe Granier, directeur technique de l'AOC Languedoc. Mais dans beaucoup d'endroits, la perte de récolte est de 50 % avec des parcelles tellement abîmées qu'on n'imagine pas une deuxième génération de bourgeons.»
Quant à la Provence, « cette année, c’est une véritable gelée noire qui s’est abattue sur tout le vignoble excepté l’extrême zone littorale », commente Éric Pastorino, le président du syndicat des côtes de Provence. Dans le centre Var, les températures sont descendues en-dessous de - 8 degrés. » En attendant, cet accident climatique a relancé les transactions. « Le stock en cave s’est vite vendu les jours suivants le gel, commente un responsable professionnels. Quant aux cours du côtes-de-provence, ils sont légèrement remontés pour atteindre 280 €/hl contre 250 €/hl la semaine précédant le gel. »
Le Nord-Est va puiser dans ses réserves
La Champagne a elle aussi été touchée par un épisode de gel intense. « Nous ne sommes pas encore en mesure d’évaluer précisément l’impact de cet épisode sur le vignoble. Face à cette épreuve cependant, la Champagne peut compter sur la réserve interprofessionnelle, mise en place il y a plus de 35 ans, qui permet de pallier les importantes variations de rendement et de répondre aux besoins d’approvisionnement des marchés », déclare le CIVC.
Enfin en Bourgogne, le BIVB effectue un constat assez grave et anticipe des situations compliquées à titre personnel. Toutefois, « au niveau macro, il y a assez de vins de Bourgogne pour répondre à la demande, après trois récoltes correctes. De nombreuses appellations en blanc bénéficient également d’un VCI qui permettra de limiter en partie les pertes du millésime 2021. »
De son côté, Jean-Marc Veuillet, directeur commercial et membre du directoire de la Compagnie de Burgondie, dresse un premier bilan avec prudence. « A ce stade, 100 % des vignes de la côte lyonnaise et du mâconnais sont concernées. Les pertes sont estimées entre 50 % et 80 % ». Des cépages sont plus menacés que d’autres. « Les chardonnays étaient déjà avancés. Le pinot noir est très touché mais c’est moins inquiétant. C’est l’aligoté qui s’en sort le mieux. » Les inquiétudes sont grandes quant à la capacité de tenir les approvisionnements jusqu’à 2023. « Nous avons déjà commencé à prévenir les enseignes des difficultés à venir », poursuit Jean-Marc Veuillet. Sur le Beaujolais, la situation est très différente selon la situation géographique mais les pertes sont estimées à 50 %. Ce qui est très dommageable au vu de la dynamique positive des vins du Beaujolais.
Le vignoble français est désormais plongé dans l’incertitude. Pour aider les vignerons mais aussi tous les agriculteurs touchés par cet épisode, le Premier ministre Jean Castex a annoncé ce samedi un plan de soutien de 1 milliard d’euros pour l’agriculture française sinistrée par le gel.