Paul-François Vranken, PDG du groupe Vranken-Pommery Monopole
Même sans le vouloir, Paul-François Vranken est un fin communicant. La veille de notre rencontre dans les bureaux parisiens du groupe, Rayon Boissons recevait un communiqué annonçant une nouvelle acquisition d’envergure. Certes, l’opération est encore soumise à une recapitalisation de Vranken-Pommery Monopole (VPM) de 42,5 millions d’euros, mais le PDG s’est d’emblée montré très rassurant sur son aboutissement, pressé de nous dévoiler l’intérêt de cette croissance externe.
Il s’agit donc de la maison champenoise Bissinger & Co, elle-même impliquée dans pas moins de cinq sociétés. L’occasion pour VPM de récupérer une marque qui pèse deux millions de bouteilles à l’export. Mais là n’est pas le plus important. « Cette société possède surtout 280 ha de contrat d’approvisionnement et 45 ha d’exploitation dont une vingtaine en pleine propriété », se réjouit Paul-François Vranken. Avec ce rachat, « PFV » apporte en partie une réponse à l’annonce ambitieuse révélée dans Rayon Boissons en mai dernier : sa volonté d’atteindre 25 millions de bouteilles d’ici 2015 contre 20 millions en 2012.
En somme, Bissinger & Co n’est qu’une nouvelle pierre apportée à un édifice qui ne cesse de croître depuis 1976. « Quand on part de zéro, il faut se construire pas à pas car il est impossible d’imaginer que son entreprise fera un jour autour de 350 millions d’euros de chiffre d’affaires, poursuit le patron champenois. Pour y parvenir, il faut une envie de travailler sans limite et surtout une parfaite connaissance de son secteur d’activité. » Pour cela, ce juriste de formation prône la prudence. « Je prends énormément le temps de la réflexion. Ce n’est qu’une fois que le facteur risque est faible que je vais droit devant. » Le mot n’est pas vain.
Pendant les six premières années de l’aventure champenoise, l’homme est partout. Aux achats de raisins, à la chaîne de dégorgement, à l’administratif et bien sûr à la vente. « Ce dernier domaine était difficile pour moi car j’ai misé sur mon nom alors que je n’y croyais pas en tant que marque, avoue Paul-François Vranken. Le rachat de la signature Charles Lafitte a changé le visage de la société. » Cette marque permettra aussi au PDG d’endosser véritablement son rôle de patron en plaçant ses hommes aux postes clés. « PFV » peut alors se pencher sur le développement commercial de son groupe qu’il relie directement à l’explosion des GMS. Au fil des années, l’intégration de nouvelles marques comme Demoiselle, Heidsieck Monopole et Pommery lui permet d’occuper le leadership sur le marché des champagnes en hypers et supers. Une étape supplémentaire de franchie, car l’Hexagone est devenu trop petit.
Pommery à l’international
À 65 ans, Paul-François Vranken a encore de nombreux défis à relever. Très présent en Europe, son groupe détient une marge de progression importante sur les marchés émergents. « Il n’y a que la marque Pommery qui possède un rayonnement international mais pas le groupe Vranken-Pommery Monopole, précise-t-il. Cette conquête passe notamment par l’Amérique dans sa globalité et par l’Asie, même si je ne néglige pas l’Afrique. » Pour ce faire, il souhaite renforcer ses positions aux États-Unis, en Australie, en Chine et au Japon avec une méthode bien précise, l’art de vivre à la Française. « Intégrer les plus belles tables du monde et promouvoir le savoir culinaire de nos grands chefs est un élément essentiel de différenciation sur la planète vin », relève l’entrepreneur qui possède la double nationalité belge et française.
La culture fait aussi partie du package. C’est notamment pour cela que de nombreuses expositions d’art contemporain se tiennent à Pommery. Un lieu il est vrai hors du temps qui va être d’ailleurs repeint « avec l’exacte couleur de ses débuts. C’est la plus belle maison de Reims et il faut la préserver. » Et n’allez surtout pas y voir une quelconque revanche sur la prétendue hostilité du vignoble rencontrée à ses débuts ? « Cette histoire est une invention de la presse, préfère s’amuser Paul-François Vranken. Personne ne m’a jamais empêché de développer mes affaires. » Même si, au fond de lui, l’homme est très fier d’être le seul non champenois à avoir réussi de la sorte après-guerre. Nul ne saurait lui en tenir rigueur.
Frédéric Guyard