Portrait
Laurent Guillet, directeur commercial de la cidrerie Kerisac
Arrière-petit-fils du fondateur de la cidrerie bretonne, Laurent Guillet veille à préserver ses valeurs et à développer son chiffre d’affaires dans l’ombre discrète du géant Agrial.
Kerisac n’est pas à un paradoxe près. Cidrerie dirigée par la même famille depuis 1920, elle appartient depuis plus de dix ans à la branche boissons du groupe Agrial, également propriétaire de Loïc Raison, Écusson ou encore Danao. Signature traditionnelle, incontournable en crêperies et profondément ancrée dans son territoire du Sud-Bretagne, la marque est diffusée au national et n’hésite pas à innover avec un cidre rosé ou deux références aux fruits rouges et à la poire.
Dans les mois à venir, comme un symbole de la stratégie de l’entreprise, sa dernière innovation mêlera la tradition d’un apéritif typiquement breton à la modernité de l’aromatisation. Dans les murs de Kerisac « depuis toujours » et à sa tête « depuis près de vingt ans », l’arrière-petit-fils de son fondateur, Laurent Guillet, assume parfaitement ces paradoxes. Sourire aux lèvres, ce dynamique quadragénaire les cultive même à loisir.
« Poursuivre l’héritage des parents »
Il était déjà là, en 1999, quand la cidrerie fut cédée à CCLF avant d’être intégrée au sein d’Agrial. « Nous avions besoin d’un partenaire pour passer une étape supplémentaire dans notre développement », rappelle-t-il. C’est également lui qui a poussé au développement de Kerisac en grande distribution, « poursuivant l’héritage des parents ». Et c’est toujours lui qui présente les dernières nouveautés de la marque. Assis derrière son bureau, logé au cœur de la cidrerie, dans le bourg de Guenrouët en Loire-Atlantique, Laurent Guillet explique : « Kerisac, c’est une bouteille 75 cl, une coiffe de couleur, une étiquette parchemin et un sceau avec l’image du Breton. Ce n’est pas autre chose, et c’est pour cela que nous nous étions trompés, il y a quelques années, en lançant des bouteilles 33 cl au look trop moderne. »
Son grand-père, âgé de 94 ans, « qui habite à trente mètres d’ici » et avec lequel il « échange souvent », serait sûrement d’accord avec lui. « Les gens nous voient comme des artisans car ils découvrent nos produits dans les crêperies où nous réalisons encore 40 % de notre activité », précise Laurent Guillet. C’est d’ailleurs pour toucher ce public de vacanciers, adeptes de la côte ouest durant l’été, que Kerisac a décidé de « sortir de Bretagne il y a quatre ans » et de chercher des référencements nationaux en GMS, au-delà de ses bases où la marque est omniprésente.
Pour cela, son directeur commercial peut s’appuyer sur la force de vente d’Éclor, qui travaille pour nombre de marques d’Agrial. « C’est une prestation de service que nous payons, détaille-t-il. Car si nous sommes l’une des structures composant la branche boissons d’Agrial, comme Écusson ou Loïc Raison, nous sommes largement indépendants et gérons nous-mêmes notre politique commerciale et nos investissements. » Ce statut à part a notamment permis à la marque de rester en dehors du conflit (désormais résolu) qui a opposé durant trois ans les signatures leaders des cidres à Leclerc. Fort « d’un bon développement hors Ouest et d’un fond de rayon qui se comporte bien », Kerisac a ainsi pu franchir la barre des 7 % de part de marché valeur en hypers et supers sur les douze derniers mois. Le ballet des tracteurs au pied de l’église de Guenrouët, durant les mois de récolte, n’a donc pas fini de se jouer. Il faut, en effet, des milliers de tonnes de pommes à presser pour produire chaque année les cinq à six millions de litres de cidres Kerisac. Entre tradition et modernité, cette activité est à l’image de l’entreprise et de son gardien qui cultivent les succès autant que les paradoxes.
Jacques Bertin