Portrait
Jean-Pierre Cayard, PDG du groupe La Martiniquaise Bardinet
Le discret patron du deuxième groupe de spiritueux en France est devenu l'un des principaux actionnaires industriels de Marie Brizard Wine & Spirits. Il a su voler au secours de son concurrent. Non sans arrière-pensées...
Jean-Pierre Cayard l'a mérité. Le PDG de La Martiniquaise Bardinet s'est offert un instant de détente en juillet dernier en Martinique. Une île historique et emblématique pour son groupe où il enchaîne régulièrement les visites et les réunions. En notre présence, le patron avait un verre de punch Saint James à la main. Histoire de fêter les 250 ans des plantations de ce rhum.
A partir de la société de spiritueux fondée par son père Jean en 1934, Jean-Pierre Cayard a su bâtir un géant français des alcools, adossé à Bardinet depuis 1993. Cela, tout en conservant des structures de distribution différentes. « Même s'il est important de réduire aujourd'hui nos coûts en mutualisant des éléments comme les achats, les assurances ou l'informatique, La Martiniquaise et Bardinet maintiendront des services marketing et des forces de vente dissociés, explique Jean-Pierre Cayard. Mettre toutes nos marques dans un pot commun serait une mauvaise solution. Cela comporterait le risque de se spécialiser sur un nombre limité de produits et donc, au final, de réduire le portefeuille. » Une stratégie comparable à celle de Pernod Ricard dans l'Hexagone, son principal concurrent.
S'il garde un œil attentif sur le leader des alcools en France, Jean-Pierre Cayard a su - d'une certaine manière - voler au secours de son challenger direct. Tel un chevalier blanc, il est devenu contre toute attente un actionnaire de référence de Marie Brizard Wine & Spirits. Alors même que l'ex-groupe Belvédère affrontait les velléités de Diana Holding et de Castel sur sa gouvernance. Chef d'entreprise visionnaire et gestionnaire rigoureux, Jean-Pierre Cayard possède souvent un coup d'avance. « Au-delà d'un partenariat industriel, un accord est possible avec Marie Brizard Wine & Spirits sur la distribution commune de nos marques dans certains pays », imagine-t-il. Celui qui voulait déjà racheter William Peel en 2005, a bien saisi l'intérêt d'une nouvelle alliance avec Marie Brizard.
Profitant de l'essor de ses marques Poliakov, Label 5, Saint-James ou Old Nick en France, la société dont le siège est à Charenton (94) vise aussi l'international où 35 % de ses 950 millions d'euros de chiffre d'affaires sont réalisés. Mais à sa manière. « Notre croissance à l'export passe prioritairement par l'Europe, indique le PDG. L'environnement y apparaît sécurisé et nous disposons déjà de structures pour nous développer grâce aux filiales Glen Turner en Ecosse, Bruggeman en Belgique et Hollande, Gran Cruz au Portugal, Bardinet en Espagne et Dilmoor en Italie. »
La Martiniquaise s'intéresse aussi de plus en plus au vin. Après l'acquisition du caviste Repère de Bacchus, et du site WineandCo, qui permet au passage de renforcer ses allocations de grands crus bordelais, les projets pétillent sur les appellations en vogue. « Bardinet a racheté en Catalogne une maison de cava qui sera commercialisée en France. En Italie, Dilmoor pourrait prendre le contrôle d'un producteur de prosecco », annonce Jean-Pierre Cayard.
Préparer sa succession
Reste qu'à 73 ans, Jean-Pierre Cayard se pose naturellement la question de sa succession « J'ai la chance d'avoir deux enfants qui ont fait de belles études », indique-t-il tout en ajoutant que plusieurs collaborateurs sont également compétents pour préparer l'avenir. Sa fille Sylvia, 38 ans, dirige le marketing international quand son fils Stéphane, 34 ans, est en charge des applications informatiques. « L'idée est en tout cas de demeurer un groupe de type indépendant, qui n'a pas besoin d'être coté », conclut le dirigeant.
Par Jean-Louis Laboissière