Fathi Benni, cofondateur et PDG du Petit Béret
Le spécialiste du vin sans alcool vient de pousser le bouchon jusqu’à devenir propriétaire d’un domaine du Languedoc. Rencontre sans filtre avec une figure qui détonne dans un univers très traditionnel.
Il ne le dira pas ainsi mais c’est une forme de consécration. Devenu propriétaire du château Milhau (34) au cœur de l’appellation saint-chinian, Fathi Benni a franchi un nouveau pas en ce début d’année 2022. Avec cette acquisition, le cofondateur et PDG du Petit Béret devient en effet le tout premier vigneron au monde à produire du vin sans alcool. Un statut qu’il laisse volontiers aux journalistes puisqu’il tient à préciser que le terme est un tantinet galvaudé. D’autant qu’il n’y a pour l’instant pas de production sur les lieux. Le rachat ne concerne en fait qu’une petite partie des terres agricoles, dont certaines plantées, ainsi que la bâtisse. « L’objectif est clairement d’en faire un site agricole varié où la menthe et le citron, en plus de la vigne, pourraient très bien avoir leur place, projette cet ingénieur agro de formation. Quant au château, il servira autant de vitrine que d’accueil pour tous ceux sensibles à la gastronomie et à la découverte du vin, autrement. » Surprendre, encore et toujours. Il faut dire que le futur quadra occupe une place à part dans le monde du vin. Invité à une conférence de Rayon Boissons, Fathi Benni a capté l’auditoire par une « punch line » bien rodée. « Toute la journée, je fais comme vous. Je prends un verre et je goûte. À la seule différence que le vin en question n’a jamais rencontré l’alcool. » Et ça fait 10 ans que ça dure.
L’apport de Dominique Laporte
Le déclic, il l’a eu dans un… bar à vin. Pour accompagner son épouse et son verre de rosé, le maître des lieux lui propose un verre de jus de raisin de syrah et l’incite à chercher les arômes. « La première fois que j’ai senti du cassis dans une boisson qui n’en contient pas, se souvient ce père de deux enfants. J’y ai trouvé des similitudes avec l’univers du chocolat et du café que je côtoyais à l’époque. » Alors en poste sur des fonctions commerciales chez Mondelēz, ce fou de données chiffrées décide d’apprendre le vin sans jamais en boire. « J’ai commencé par une formation au sein de l’institut coopératif du vin de Béziers qui a fini de me convaincre de la richesse humaine et agricole de ce secteur, poursuit le Languedocien. J’ai ensuite voulu passer à la technique via l’INRA de Narbonne. » La structure planche depuis longtemps sur la désalcoolisation mais pas sur l’absence de vinification que prône ce sportif aussi déterminé que sur les terrains de rugby. « Ils m’ont pris pour un fou mais j’ai persévéré. Pour autant, il faut l’avouer, mes premiers assemblages étaient complètement ratés. Il me fallait une caution gustative. »
Instinctif, il se rend sur le site internet de Dominique Laporte, meilleur sommelier de France, et obtient un rendez-vous avec ce dernier dans la journée. « Cette rencontre a tout changé, professe Fathi Benni. Surtout lorsqu’il m’a demandé pourquoi je faisais tout ça ? » La réponse a fusé : « je souhaite ouvrir la viticulture à d’autres cultures et inciter tous ceux qui accompagnent leur repas avec un soda à changer leurs habitudes de consommation. » Il n’en fallait pas plus pour souder les deux hommes et cofonder Le Petit Béret. Sept ans plus tard, celui qui a fait de son cas personnel la raison d’être de son activité professionnelle demeure plus enthousiaste que jamais et continue de chercher des relais au niveau du développement commercial. « Audrey Sonnendrecker chez Carrefour ou Roger Anthony chez Aldi ont été déterminants, pointe Fathi Benni. Leur connaissance du produit, du terrain et des panels a nourri nos échanges et ils ont accepté de nous donner notre chance. » Peut-être y verra-t-on bientôt des bouteilles signées Le Petit Béret Milhau.