L'édito du mois
RAPPORT(S)
Place à la grande distribution décomplexée. Alors que les négociations commerciales débutent, rarement on a senti les enseignes aussi « décontractées » pour reprendre l’expression de Serge Papin, le président de Système U. Il faut dire que le rapport Chalmin, commandé par le ministère de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire, tord le coup à bien des idées reçues sur les supposés profits des distributeurs. Cet observatoire confirme en effet que la marge nette des hypers et supermarchés sur les produits frais oscille entre – 4,4 % à + 6,1 % selon les rayons. De quoi calmer l'ardeur des lobbies agricoles et de l'opinion publique.
Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, le rapport Gallois sur la compétitivité industrielle de la France bénéficiera aussi à la grande distribution. Sur les 20 milliards d’euros d’allègement de charges promis par le gouvernement Ayrault pour les trois ans qui viennent sur les salaires inférieurs 2,5 fois le Smic, le commerce pourrait récupérer de 3,5 à 4 milliards d'euros de crédit d'impôts. Au sein de l'exécutif, personne ne paraît s’en émouvoir. Quand bien même le métier de distributeur alimentaire n’est pas soumis à la concurrence internationale.
Mieux : le gouvernement semble se satisfaire d'avoir trouvé en la grande distribution un allié pour la sauvegarde du tissu des petites et moyennes entreprises françaises. Système U, Intermarché et même Leclerc verraient ainsi d'un bon œil l'idée d'une loi de modernisation de l'économie (LME) différenciant le cadre des négociations commerciales avec les PME d'un côté et les multinationales de l'autre. Sans attendre, Michel-Edouard Leclerc a réaffirmé le 21 novembre dernier à l'agence Sipa que, si son groupement se montrera intraitable avec les gros fournisseurs, il tiendra compte de la situation particulière des TPE et PME « eu égard à la hausse des matières premières. » De profiteurs, voilà donc les distributeurs propulsés au rang de sauveurs… Pour certains, le changement est peut-être maintenant !