Taxes
Les brasseurs jouent leur va-tout
Deadline ce vendredi 9 novembre. Tous les amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale 2013 (PLFSS) devront être présentés avant midi. Et ce, en vue d'une lecture du texte au Sénat la semaine prochaine. Pour l'instant, le texte prévoit toujours une hausse de + 160 % des droits d'accises pour les brasseries de moins de 10 000 hl et de plus de 200 000 hl. Ainsi qu'une hausse de + 120 % pour les brasseries de 10 000 hl à 50 000 hl et de + 75 % pour celles se situant entre 100 000 hl et 200 000 hl. Objectif : amener la fiscalité à 7,20 € par hectolitre et par degré d'alcool pour les brasseries de plus de 200 000 hl et à 3,60 € par hectolitre et par degré pour les autres.
L'Etat espère ainsi récupérer 480 millions d'euros de recettes fiscales supplémentaires.« Ces recettes ne seront pas au rendez-vous, prévient déjà Gérard Laloi, président de l'association Brasseurs de France. Car l'impact sur les prix de ventes consommateurs va faire baisser les volumes vendus. » Jean-François Drouin, dirigeant de la micro-brasserie Les Brasseurs de Lorraine à Pont-à-Mousson s'est exprimé ce matin en conférence de presse sur les conséquences d'une augmentation de + 160 % des droits d'accises pour son entreprise : « Mes droits d'accises vont passer du jour au lendemain de 12 000 euros à 32 000 euros. C'est énorme ! C'est un emploi qui est en jeu de même que mes investissements. J'ai gelé pour l'instant l'achat d'une ligne de soutirage d'une valeur de 300 000 euros. Tous mes collègues vont mettre un pied sur le frein en termes d'investissements et d'embauches. »
Jean-François Drouin, comme ses confrères brasseurs, redoute surtout l'effet sur la consommation : « Je me suis toujours attelé à maintenir le prix de mes bouteilles 33 cl au dessous du prix psychologique de 2 euros en GMS. Pour cela, j'ai rogné sur mes marges ou vraiment négocié durement avec les chefs de rayons que je vois en direct. Avec la hausse des taxes, je passerai demain à 2,10 euros ou 2,20 euros. Idem en CHR où mes bières risquent de passer de 3 euros à 3,50 euros le verre. »
En moyenne, les prix de vente risquent en effet d'augmenter de 30 à 50 centimes d'euros par demi dans les bars et de + 20 % (entre + 8 % et + 30 % selon les références) en GMS. Ce ne sera pas sans conséquences sur le marché. « Vous vous doutez bien que si on avait été sûrs qu'une augmentation de + 20 % des tarifs n'aurait eu aucun effet sur les ventes, on l'aurait pratiquée depuis longtemps, ironise Gérard Laloi. Notamment pour financer les investissements. Mais malheureusement, on a raison de s'en inquiéter. »
Avant de continuer : « C'est vraiment injuste car la filière bières répond déjà à tous les critères du plan de compétitivité préconisé par le Ministre délégué à l'agro-alimentaire Guillaume Garot qui s'appuie sur la baisse des coûts du travail mais aussi sur l'innovation, déclare Gérard Laloi. Hors les bières ont innové ces dernières années au point de réussir à imposer en quelques décennies des bières de spécialités beaucoup plus valorisées. Le succès des micro-brasseries s'est d'ailleurs appuyé là-dessus. Et maintenant on vient fragiliser cette dynamique. »
Les brasseurs cherchent par ailleurs à convaincre les sénateurs et parlementaires que cette mesure n'aura aucun effet sur la santé publique : « Cela ne résoudra pas les problèmes de consommation excessive d'alcool, regrette Raymond Duyck, PDG de la brasserie Duyck. Et je ne vois pas pourquoi l'alcool de la bière serait plus dangereux que l'alcool du vin ! »
Le problème est bien là pour les brasseurs : pourquoi eux et pas les autres ? D'autant que la bière ne représente que 16 % de l'alcool consommé en France. « On ne veut pas être les seuls à contribuer, continue Jean-François Drouin. On milite pour une répartition de la charge entre les alcools. Nos structures sont trop fragiles pour supporter ça. » Mais on comprend déjà le problème politique que poserait une augmentation des droits d'accises sur le vin en France !
A ce stade ; les brasseurs en sont presque à espérer une augmentation homogène de + 75 % de leurs droits d'accises. Le coup de massue resterait très douloureux, mais à coup sûr moins fatal pour la filière.