Distribution
La sale semaine de Système U et de Leclerc
Système U est perturbé par une rumeur d'échanges d'enseignes avec Auchan, tandis que Leclerc est visé par la loi Macron qui abaissera la durée d'affiliation des adhérents à une coopérative. Les deux groupements d'indépendants s'accusent d'être à la manœuvre de ces tentatives de déstabilisation.
Le malheur de l'un ne fait pas forcément le bonheur de l'autre. Système U comme Leclerc ont connu une semaine difficile. Le premier fait face à une tourmente médiatique depuis une révélation le 29 janvier dernier sur lsa.fr d'un projet d'alliance plus poussé avec le groupe Auchan. L'accord porterait notamment sur des échanges de magasins : les Hyper U passeraient Auchan et les Simply Market deviendraient Super U. Des affirmations démenties par les intéressés même si aucun des deux protagonistes ne contestent l'idée d'un rapprochement qui ira plus loin qu'une simple coopération au niveau des achats. Des synergies logistiques seraient notamment envisagées.
Les associés U démarchés par Casino, Carrefour et Leclerc
Toujours est-il que la direction de Système U loue la fiabilité de son allié. "Contrairement à Casino, Carrefour ou Leclerc, Auchan ne démarche pas les associés U", assure-t-on au siège des Nouveaux Commerçants. Depuis deux-trois ans, Système U subit une évasion de certains de ses associés, notamment dans des zones de chalandise où la concurrence entre magasins U est importante. Récemment, en Bretagne, l'Hyper U de Saint-Renan (29) a basculé Carrefour et le Super U de Bain-de-Bretagne (35) arbore depuis un mois l'enseigne Leclerc. Système U a aussi accueilli des Mousquetaires quand Intermarché connaissait des dissensions internes.
La conclusion d'un accord de master franchise à grande échelle avec Auchan paraît peu envisageable. Les Hyper U ne gagneraient pas grand chose à arborer l'enseigne Auchan. Leur positionnement et leur image prix sont meilleurs que ceux des hypermarchés du groupe Mulliez. Sans compter qu'Auchan n'est guère à l'aise sur les magasins de moins de 7 000 m² de surface de ventes. Ceux là même qui constituent l'essentiel du contingent des Hyper U.
Déjà il y a 18 ans
En revanche, Auchan pourrait être intéressé de basculer en master franchise U ses supermarchés. Simply Market est à la peine en France. Son chiffre d'affaires a reculé de – 2,1 % en 2014. Comme révélé par Rayon Boissons dans son N° d'octobre 2014 (p. 7), il y a 18 ans déjà Système U et Auchan avaient envisagé de se rapprocher. Les contours de cette alliance échafaudée à l'époque par Gérard Mulliez, patron du groupe Auchan, et Jean-Claude Jaunait, président des U, prévoyaient de passer les Atac récupérés suite au rachat de Docks de France en 1996 sous la bannière Super U.
AGE de Système U fin mars
La deuxième phase du rapprochement avec Auchan sera connu d'ici quelques semaines. D'après les informations recueillies par Rayon Boissons, les associés de Système U sont conviés le 24 mars prochain à une assemblée générale extraordinaire à Paris. En attendant, Serge Papin a tenté de rassurer ses troupes. Dans un courriel envoyé à l'ensemble des associés U et que s'est procuré Rayon Boissons, le président du groupement a trouvé un coupable tout désigné. Selon lui, c'est Leclerc qui aurait colporté l'information de la mutualisation de son réseau avec Auchan afin de déstabiliser les associé U. L'attaque est facile. La période des négociations commerciales est propice à toutes les rumeurs. Il y a deux ans, les fournisseurs répandaient partout qu'Auchan s'alliait avec Casino. L'an dernier, c'était Carrefour qui absorbait purement et simplement Cora.
MEL dénonce une collusion Macron – Système U
Leclerc aurait-il vraiment cherché à allumer un contre-feu ? Une chose est sûre : la semaine passée n'a guère été réjouissante pour le mouvement. Elle a démarré lundi dernier par la publication des comparatifs prix de Que Choisir qui place Géant Casino moins cher. Une information qui a été reprise dans de nombreux médias grand public et que Casino entend bien exploiter à fond.
Surtout la semaine s'est terminée par l'adoption vendredi 30 janvier par l'Assemblée nationale d'un amendement de la loi Macron prévoyant la réduction des contrats d'affiliation d'un propriétaire de magasins à un réseau d'enseignes. A compter de 2017, ces contrats seront limités à neuf ans. Le coup est rude pour Leclerc. Actuellement, le mouvement établit des contrats longs de 25 ans avec ses adhérents. De quoi le prémunir contre d'éventuels prédateurs. Les autres groupements d'indépendants sont sur des durées plus courtes. Intermarché fixe ses contrats à 15 ans et Système U n'en a aucun pour l'instant. L'AGE de la fin mars pourrait toutefois y remédier.
Le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, n'a d'ailleurs pas caché que sa mesure visait à protéger un réseau comme Système U des avances de ses concurrents, Leclerc en tête. Une collusion de circonstance que dénonce ouvertement Michel-Edouard Leclerc sur son blog.
Les craintes de MEL sont justifiées. Les groupes intégrés comme Carrefour ou Auchan pourraient chercher à débaucher des adhérents Leclerc tentés de vendre leur magasin ou de contracter un contrat de franchise. En clair de se retrouver dans une situation de fragilité similaire à Système U aujourd'hui.
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Le courriel de Serge Papin aux associés de Système U
« Chers collègues,
Jeudi dernier, je vous adressais un message dans lequel j’évoquais une tentative de déstabilisation de notre groupement, cela au moment où nous étions en cours de discussion avec notre partenaire Auchan pour envisager l’approfondissement de notre projet commun, dont les premiers effets positifs se manifestent déjà dans les négociations en cours avec les grands industriels.
Les événements et publications de ces derniers jours viennent en effet confirmer cette manœuvre et nous permettent "d’identifier" la source : le groupement Leclerc.
Pourquoi cette offensive et pourquoi maintenant ? Les récents rapprochements d’enseignes ont fait passer le groupement Leclerc de la première place à la 4ème, en termes de volume d’achat, avec pour conséquence de remettre en cause son leadership sur les prix, déjà mis à mal par Casino. La recomposition du paysage de la distribution qu’a entraîné notre accord laisse Leclerc isolé. Une situation qui entraîne au sein même du Galec des tensions perceptibles.
De plus, d’un point de vue réglementaire, la loi Macron, contre laquelle Michel Edouard Leclerc exerce actuellement un lobbying intense, risque, par la réduction obligée de la durée des contrats, à un moment clé où notre nouvel ensemble sera plus attractif que jamais, d’avoir des impacts forts sur l’intégrité de son propre réseau.
Autant de raisons qui expliquent la fébrilité du groupement et de Michel Edouard Leclerc, en ce moment, et qui l’amène à vous démarcher de façon encore plus agressive pour rejoindre son groupement, avant que notre projet ne délivre tout son bénéfice pour votre exploitation. Mais cette fébrilité ne peut justifier les arguments fallacieux utilisés dans sa communication : comment imaginer que nous abandonnions notre statut d’indépendants et la liberté d’exploitation de nos affaires qu’il nous confère pour devenir des franchisés Auchan ? Comment imaginer que nous puissions obliger les Associés à vendre ou à échanger leurs points de vente ? C’est inimaginable.
Quand Michel Edouard Leclerc m’accuse de "vendre mon âme au diable", sous entendu de sacrifier notre indépendance au profit d’un groupe intégré, il oublie bien vite qu’Auchan est un groupe indépendant et familial, non côté en bourse. Non, c'est que Leclerc ne pourra plus "faire son marché" chez nous en nous déstabilisant.
Vous connaissez notre attachement au Groupement, les présidents de régions et moi. Notre souci permanent est d’assurer notre pérennité pour la génération à venir : à aucun moment nous ne nous lancerions dans un projet qui ne serait pas bénéfique pour l’avenir de nos magasins, de notre compétitivité et de notre attractivité.
Nous ne manquerons pas de vous tenir informés de l’avancement de notre projet avec notre partenaire. »
Serge Papin
